La Banque centrale chinoise va permettre sa rémunération à partir du 1ᵉʳ janvier. Afin de booster l’adoption et l’utilisation du yuan numérique, les banques pourront ainsi verser des intérêts aux détenteurs de portefeuilles, transformant l’e-CNY en un véritable produit d’épargne. Comme l’explique le vice-gouverneur Lu Lei dans son article publié sur le journal Financial Times ce matin, ce nouveau plan d’action transmet la devise du stade de simple « cash numérique » à celui de « monnaie de dépôt ».
Des intérêts pour les détenteurs de yuan numérique
C’est l’aboutissement des travaux initiés par la Banque Populaire de Chine dès 2014 et concrétisés par un lancement public en avril 2022. Le yuan numérique entame aujourd’hui son plus grand changement.
En effet, le dispositif souffrait d’un défaut de conception face aux attentes du marché : simple équivalent numérique de l’argent liquide, il ne générait aucun intérêt. Pékin a donc décidé de faire sauter ce verrou : en intégrant la devise au système des réserves obligatoires, les autorités transforment radicalement son attractivité.
Comme l’explique le vice-gouverneur de la BPC M. Lu Lei dans son article publié aujourd’hui sur le journal d’État Financial News, il s’agit d’un changement de paradigme complet : « Le yuan numérique passera de l’ère de l’argent liquide numérique à celle de la monnaie de dépôt numérique. »
Concrètement, grâce à ce nouveau cadre chinois instaurant des intérêts pour les détenteurs de yuan numérique, les portefeuilles détenus auprès des banques commerciales seront désormais traités,
comme des dépôts bancaires classiques. Pour les épargnants, c’est la promesse de voir leurs actifs fructifier via une rémunération officielle.
Le texte officiel est d’ailleurs sans ambiguïté sur ce mécanisme d’incitation : « Les établissements bancaires verseront des intérêts sur le solde des portefeuilles numériques en RMB nominatifs de leurs clients, conformément à l’accord d’autorégulation relatif à la tarification des taux d’intérêt sur les dépôts. ».
Les banques commerciales, piliers incontournables du système
Par ailleurs, cette réforme rassure le secteur bancaire traditionnel, qui craignait une désintermédiation massive face à la montée des cryptomonnaies. Loin de vouloir contourner les banques, la Chine les place au contraire au cœur du réacteur.
Dans ce contexte, le vice-gouverneur insiste sur leur rôle crucial pour la sécurité du système :
« Les banques commerciales sont des acteurs incontournables, leurs services accompagnent l’intégralité du cycle de vie de la monnaie numérique. De fait, elles sont devenues les garantes de la monnaie numérique. »
Ainsi, les fonds en e-CNY consolident le bilan des banques et bénéficient, au même titre que l’épargne traditionnelle, des protections réglementaires incluant l’assurance-dépôts.
Une technologie hybride : le pragmatisme face à la blockchain
Sur le plan technique, la Chine a opté pour une approche hybride. L’objectif est clair : servir l’économie réelle, plutôt que de faire de la technologie pour la technologie. C’est pourquoi le système conserve la gestion par « compte » pour l’efficacité, tout en intégrant les atouts de la blockchain et des contrats intelligents.
Pour les autorités chinoises, cette fusion représente l’avenir du paiement : L’application intégrée de technologies numériques telles que les chaînes de cryptomonnaie, les contrats intelligents et la blockchain a permis au yuan numérique de passer du paiement électronique à l’ère du paiement numérique.
Il faut noter que cette infrastructure permet déjà des prouesses, comme des paiements programmables ou des règlements transfrontaliers instantanés. À titre d’exemple, fin novembre 2025, le système avait déjà traité 3,48 milliards de transactions, prouvant sa robustesse.
Reprendre le contrôle face au « Shadow Banking »
Enfin, si Pékin accélère la mise en place de ce système de rémunération du yuan numérique, c’est aussi pour répondre à une urgence : reprendre le contrôle face aux stablecoins privés et aux actifs virtuels non régulés qui créent un système parallèle risqué.
À ce sujet, le vice-gouverneur met en garde contre ces nouveaux instruments qui échappent aux radars : « Tous se présentent sous forme d’instruments de paiement, créant et favorisant objectivement l’autocirculation de diverses « monnaies » émergentes en dehors du système financier », a-t-il déclaré.
En somme, en rendant le yuan numérique attractif (via les intérêts) et sûr, la Chine veut rapatrier la liquidité vers le système formel. Toutefois, l’ambition est aussi internationale, notamment via le projet mBridge pour les échanges transfrontaliers, afin de faciliter le commerce et l’investissement transfrontalier et de promouvoir une ouverture institutionnelle de haut niveau.
À l’aube de 2026, le message de la Banque populaire de Chine est clair : il faut « être proactif, établir rapidement ce qui doit l’être » tout en garantissant la stabilité financière. Le yuan numérique n’est plus une expérience ; c’est désormais le socle de la stratégie financière chinoise.
Source : Financial Times

