Le débat autour de la reconnaissance du Bitcoin (BTC) franchit une nouvelle étape en Allemagne. Le principal parti d’opposition, Alternative für Deutschland (AfD), vient de déposer une motion au Deutscher Bundestag demandant que le bitcoin soit traité comme un actif à part entière — non plus simplement comme une cryptomonnaie parmi d’autres — et qu’il intègre potentiellement les réserves stratégiques nationales.
Une motion audacieuse
Selon le texte parlementaire, l’AfD estime que la réglementation européenne en préparation, connue sous l’acronyme MiCA (Markets in Crypto-Assets), ne doit pas s’appliquer de la même façon au bitcoin qu’aux autres crypto-actifs. Le parti juge que la structure décentralisée du bitcoin le distingue et qu’une surcharge réglementaire pourrait nuire à la souveraineté numérique, à l’innovation et à la liberté financière.
Bitcoin dans les réserves nationales ?
Au cœur de la proposition : l’idée de classer le bitcoin aux côtés de l’or ou des devises étrangères dans les réserves stratégiques de l’État. Selon les parlementaires à l’origine de la motion, le gouvernement fédéral n’a pas encore reconnu le rôle que pourrait jouer le bitcoin en période d’instabilité monétaire, ni comme technologie d’intégration énergétique. Cette vision situerait l’Allemagne parmi les rares pays européens envisageant sérieusement le bitcoin comme instrument de souveraineté économique.
Clarification fiscale et réglementaire
La motion de l’AfD ne se limite pas à des considérations symboliques. Elle appelle à clarifier plusieurs points clés :
- maintenir l’exonération d’imposition des plus-values sur bitcoin après 12 mois de détention, telle qu’elle existe actuellement en Allemagne ;
- éviter que des activités comme le minage ou l’exploitation de nœuds Lightning ne soient systématiquement classées comme commerciales, ce qui crée une incertitude juridique pour les particuliers et entreprises ;
- affirmer que les portefeuilles non-custodial et les opérateurs de nœuds ne doivent pas subir des obligations de licence excessives.
Le contexte européen : de la France à l’Allemagne
Cette initiative allemande s’inscrit dans un mouvement plus large. En France, une proposition similaire a récemment été déposée, envisageant la création d’une « réserve stratégique » de bitcoins. En Allemagne, l’AfD avance que l’enjeu est autant politique qu’économique : le bitcoin pourrait offrir une alternative au système financier centralisé et représenter une réponse aux monnaies numériques de banque centrale (MNBC).
Enjeux et perspectives
Le débat en Allemagne révèle plusieurs enjeux :
- Souveraineté numérique et monétaire : En intégrant le bitcoin dans les réserves nationales, l’État assure une position vis-à-vis des dynamiques monétaires internationales et des pressions inflationnistes.
- Innovation et attractivité : Une réglementation trop stricte pourrait inciter les investissements et les talents à se détourner de l’Allemagne pour d’autres juridictions plus souples.
- Technologie & énergie : Le bitcoin est envisagé non seulement comme instrument financier mais aussi comme vecteur de conversion énergétique, via le minage ou le stockage de surplus d’électricité, ce qui peut intéresser les stratégies industrielles et énergétiques nationales.
- Équilibre réglementaire : Il s’agit de maintenir la crédibilité du cadre de régulation tout en évitant que celui-ci ne bride les usages émergents, surtout pour un actif aux caractéristiques uniques.
Conclusion
En posant la question de l’intégration du bitcoin comme un outil de réserve nationale, l’Allemagne se place à un carrefour stratégique. Ce qui était encore il y a quelques années un actif purement spéculatif est désormais envisagé sous l’angle de la politique monétaire, énergétique et industrielle. Le chemin de la reconnaissance passe par la clarification des régimes fiscaux, la distinction des catégories d’actifs et la volonté politique d’adopter une vision proactive. Plus que jamais, le bitcoin ne se limite plus à la sphère crypto-financière : il entre dans l’arène de la souveraineté nationale.
