Le règlement MiCA (règlement sur les marchés des crypto-actifs) est un cadre juridique adopté par l’Union européenne (UE) pour encadrer l’usage, la régulation et le développement des crypto-actifs, au sein de l’UE. Entré en vigueur en 2023 et applicable dans son intégralité depuis le 30 décembre 2024, il s’inscrit dans une volonté de créer un marché numérique, sécurisé et transparent pour les acteurs du secteur, qu’ils soient émetteurs de jetons, fournisseurs de services sur crypto-actifs ou investisseurs.
Quel est l’objectif du règlement MiCA
Ce règlement vise à combler les failles entourant les crypto-actifs en définissant des règles claires pour protéger les consommateurs, prévenir les risques liés à la fraude, au blanchiment d’argent ou à la volatilité, tout en favorisant l’innovation technologique. Le règlement MiCA s’applique à une large gamme d’actifs, tels que les stablecoins, les utility tokens et autres formes de jetons qui ne sont pas couverts par les réglementations financières existantes.
Le règlement MiCA aborde plusieurs domaines clés, notamment l’offre au public et l’admission à la négociation de crypto-actifs, ainsi que l’offre et l’admission à la négociation de jetons de valeur stable (stablecoins). Il traite également de la fourniture de services sur crypto-actifs par des prestataires et de la prévention des abus de marché sur les crypto-actifs.
Il se substitue aux régulations nationales adoptées par certains États membres de l’Union européenne, sous réserve d’une période de transition précisée ultérieurement. Par conséquent, le cadre juridique français établi par la loi PACTE du 22 mai 2019, qui avait mis en place un régime particulier pour les offres publiques de jetons (Initial Coin Offering, ou ICO) ainsi que pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), est amené à disparaître.
A qui s’adresse le règlement MiCA
Les acteurs concernés
Le règlement MiCA s’adresse aux personnes physiques et morales qui participent à des activités telles que l’émission, l’offre au public ou l’inscription à la négociation de crypto-actifs, ainsi qu’à celles fournissant des services associés à ces actifs au sein de l’Union européenne.
Conformément à ce règlement, les crypto-actifs sont définis comme une représentation numérique de valeur ou de droits transférable et stockable électroniquement, grâce à des technologies de registres distribués ou équivalents.
Les exclusions du champ d’application
Le règlement MiCA exclut explicitement de son champ d’application les cas suivants :
- Crypto-actifs considérés comme des instruments financiers : Ces actifs relèvent des régulations applicables aux instruments financiers, telles que définies par la directive MiFID II (Directive 2014/65/UE). L’AEMF (Autorité européenne des marchés financiers) fournit des lignes directrices pour déterminer si un crypto-actif est un instrument financier.
- Produits déjà couverts par d’autres cadres réglementaires européens : Cela inclut notamment :
- Les dépôts et dépôts structurés.
- Les fonds et positions de titrisation.
- Les produits d’assurance, d’assurance-vie et de réassurance.
- Certaines solutions de retraite.
- Activités de prêt et d’emprunt de crypto-actifs : Ces activités restent soumises aux réglementations nationales en vigueur dans les États membres.
- NFT (Jetons non fongibles) : Les NFT sont exclus lorsque leurs caractéristiques et leur utilisation ne les rendent ni fongibles ni interchangeables avec d’autres crypto-actifs. Ils comprennent notamment l’art numérique, les objets de collection, ainsi que les actifs ou services représentés qui sont uniques. Cependant, une évaluation au cas par cas doit être effectuée.
Prestation de services liés aux crypto-actifs :
Il s’agit d’une personne morale ou autre entreprise dont l’occupation ou l’activité consiste à fournir un ou plusieurs services sur crypto-actifs à des clients à titre professionnel et qui est autorisée à fournir ces services sur crypto-actifs conformément aux dispositions du règlement.
Les services définis par le règlement MiCA
Le règlement MiCA définit plusieurs services relatifs aux crypto-actifs, incluant :
- La conservation et l’administration de crypto-actifs pour le compte de clients.
- L’exploitation d’une plateforme de négociation de crypto-actifs.
- L’échange de crypto-actifs contre des fonds ou d’autres crypto-actifs.
- L’exécution d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients.
- Le placement de crypto-actifs.
- La réception et la transmission d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients.
- La fourniture de conseils en crypto-actifs et de services de gestion de portefeuille de crypto-actifs.
- La fourniture de services de transfert de crypto-actifs pour le compte de clients.
Les acteurs habilités à fournir des services de crypto-actifs
Les agréments nécessaires
À partir du 30 décembre 2024, seuls les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) autorisés pourront exercer leurs activités. Cette autorisation peut être obtenue selon deux voies :
- Obtention d’un agrément délivré par l’autorité nationale compétente, permettant à une entité d’opérer en tant que prestataire de services sur crypto-actifs.
- Notification à l’autorité nationale, applicable à certaines catégories de services, si l’entité est déjà agréée sous l’un des statuts suivants : établissement de crédit, dépositaire central de titres, entreprise d’investissement, opérateur de marché, établissement de monnaie électronique, société de gestion d’OPCVM ou gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs (FIA).
Les dispositions transitoires
Les prestataires déjà actifs avant le 30 décembre 2024, en conformité avec les lois nationales, pourront continuer à opérer pendant une période transitoire, définie par pays et allant jusqu’au 1er juillet 2026 (18 mois maximum). Cette période s’applique jusqu’à ce qu’un agrément sous le règlement MiCA leur soit accordé ou refusé.
Les obligations générales et spécifiques des PSCA
Les prestataires de services sur crypto-actifs devront se conformer aux exigences du règlement MiCA, qui incluent des obligations générales et spécifiques. Les obligations générales s’appliqueront uniformément à tous les services offerts, tandis que des exigences spécifiques seront définies en fonction de la nature particulière de chaque service fourni.
En obtenant un agrément dans le cadre du règlement MiCA, les PSCA pourront également bénéficier du passeport européen. Ce mécanisme leur permettra d’exercer leurs activités dans tous les États membres de l’Union européenne.
Les prestataires de services sur crypto-actifs sont tenus de respecter un ensemble de règles, communes à tous les services fournis. Ces obligations comprennent des exigences générales, des normes de conduite, des exigences prudentielles et des critères de gouvernance.
Tout d’abord, en vertu des obligations générales (article 59), les PSCA doivent être constitués en tant que personne morale, avec leur siège social situé dans un État membre de l’Union européenne où ils exercent au moins une partie de leurs services liés aux crypto-actifs. De plus, un des dirigeants doit résider dans l’UE et l’entreprise doit assurer une présence effective de sa direction dans l’UE.
Les obligations de bonne conduite (article 66) imposent aux PSCA d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle, en prenant en compte au mieux les intérêts de leurs clients. Ils doivent fournir des informations claires, fiables et non trompeuses, y compris dans leurs communications promotionnelles. Ils doivent aussi informer le public des impacts climatiques et environnementaux des mécanismes de consensus utilisés pour émettre les crypto-actifs. Par ailleurs, les prestataires doivent avertir leurs clients des risques associés aux transactions en crypto-actifs et garantir une transparence totale sur les coûts des services fournis.
En matière d’exigences prudentielles (article 67), les PSCA doivent disposer de garanties financières appropriées. Cela inclut un fonds propre minimum, déterminé en fonction du type de service fourni, ou un seuil basé sur un pourcentage des frais généraux fixes de l’année précédente. Ce montant doit être ajusté pour répondre aux exigences réglementaires.
Les PSCA doivent également respecter des exigences de gouvernance (article 68). Cela inclut la compétence et l’honorabilité de leurs dirigeants et actionnaires, ainsi que la révision régulière des processus opérationnels. De plus, ils doivent disposer de ressources adéquates pour maintenir la continuité de leurs activités, gérer les risques et traiter les données. Une politique de continuité des activités doit être mise en place, avec des plans spécifiques pour gérer les technologies de l’information et de la communication (TIC), conformément au règlement DORA (Digital Operational Resilience Act).
Concernant la gestion des actifs des clients (article 70), les PSCA doivent respecter des règles strictes sur la conservation des crypto-actifs et des fonds des clients. Cela comprend des obligations de ségrégation des actifs et de dépôt auprès d’établissements financiers tels que des banques centrales ou des établissements de crédit, avec des mesures de protection en cas d’insolvabilité.
Les prestataires doivent également mettre en place des procédures de traitement des réclamations (article 71) claires et efficaces. Ils doivent établir des procédures transparentes pour traiter les réclamations des clients de manière rapide, équitable et cohérente. Ces procédures doivent être publiées et les résultats des examens de réclamations doivent être communiqués dans des délais raisonnables.
Afin de gérer les conflits d’intérêts (article 72), les PSCA doivent mettre en œuvre des politiques et procédures efficaces pour identifier, prévenir, gérer et communiquer les conflits d’intérêts. Ils doivent également informer les clients, de manière visible sur leur site internet, des sources potentielles de conflits et des mesures prises pour les atténuer.
En ce qui concerne l’externalisation des services (article 73), les PSCA doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter tout risque opérationnel supplémentaire, restant pleinement responsables des services externalisés. Enfin, ils doivent disposer d’un plan de liquidation ordonnée (article 74), afin de garantir la continuité ou le rétablissement des activités essentielles en cas de cessation de leurs opérations, avec des procédures claires pour la liquidation de leurs activités.
Obligations spécifiques en fonction des services fournis
Le règlement MiCA établit également des règles spécifiques en fonction des services fournis par les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA).
Conservation et administration de crypto-actifs pour le compte de clients (article 75)
Les PSCA qui offrent des services de conservation et d’administration doivent encadrer leurs accords contractuels avec les clients, incluant des informations sur les responsabilités des parties, les systèmes de sécurité et d’authentification, ainsi que les frais applicables. Ils doivent enregistrer les positions des clients et séparer les actifs des clients de ceux appartenant au conservateur, en particulier lors de situations d’insolvabilité. La sécurisation des crypto-actifs et des clés cryptographiques est essentielle pour minimiser les risques de perte. En outre, la sous-traitance de ces services est autorisée uniquement à d’autres conservateurs agréés conformément au règlement MiCA.
Exploitation d’une plateforme de négociation de crypto-actifs (article 76)
Les PSCA qui gèrent des plateformes de négociation de crypto-actifs doivent établir des procédures pour l’admission des crypto-actifs à la négociation. Ils doivent mettre en place des règles d’accès pour les participants à la plateforme et effectuer des diligences clients. Les négociations doivent être menées de manière équitable et ordonnée, avec une exécution efficace des ordres et un règlement des transactions. La plateforme doit également garantir un accès continu à la négociation, avec des seuils de liquidité et des obligations de communication régulière au marché. En cas de nécessité, certaines circonstances doivent conduire à la suspension de l’échange de crypto-actifs. Les plateformes ne peuvent pas négocier pour compte propre, et les systèmes de négociation doivent être résilients, même sous des conditions de stress. Enfin, la transparence doit être assurée avant et après les négociations, avec une vigilance particulière pour détecter et prévenir les abus de marché. Les transactions doivent être réglées dans les 24 heures après leur exécution, ou au plus tard à la fin de la journée si le règlement ne se fait pas sur la blockchain.
Échange de crypto-actifs contre des fonds ou d’autres crypto-actifs (article 77)
Pour ce service, les PSCA doivent adopter une politique commerciale non discriminatoire et préciser le profil des clients acceptés. Ils sont tenus d’exécuter les ordres des clients au prix affiché au moment de la finalisation de l’ordre. De plus, les PSCA doivent publier de manière transparente des informations sur la détermination des prix, les conditions de finalisation des ordres, ainsi que des détails sur les transactions, incluant les volumes et les prix.
Exécution d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients (article 78)
Les PSCA doivent assurer la meilleure exécution possible des ordres de leurs clients, prenant en compte des facteurs tels que le prix, le coût, la vitesse d’exécution, la finalité du règlement et les conditions de sécurité des crypto-actifs.
Placement de crypto-actifs (article 79)
Lors de placements de crypto-actifs, les PSCA doivent fournir des informations claires à l’offreur ou à la personne cherchant à admettre des crypto-actifs à la négociation, notamment sur le montant minimum ou garanti du placement, les honoraires, la procédure suivie et les acheteurs ciblés. L’accord de l’émetteur est requis avant le placement. Des règles strictes sont également prévues pour la gestion des conflits d’intérêts, notamment dans les situations où les placements sont effectués auprès des clients du PSCA, ou lorsqu’il existe des incitations de la part de l’offreur.
Réception et transmission d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients (article 80)
Les PSCA doivent transmettre les ordres des clients de manière rapide et efficace, tout en interdisant les incitations pour le routage des ordres vers des plateformes spécifiques. De plus, l’utilisation abusive des informations relatives aux ordres des clients est formellement interdite.
Fourniture de conseils en crypto-actifs et de services de gestion de portefeuille (article 81)
Lors de la fourniture de conseils en crypto-actifs ou de services de gestion de portefeuille, les PSCA doivent évaluer l’adéquation des clients avec les crypto-actifs ou services proposés, en prenant en compte leurs connaissances, leur expérience d’investissement, leur tolérance au risque, ainsi que leur situation financière. Ils doivent s’assurer que les informations recueillies sur les clients sont fiables et réévaluées tous les deux ans. Les PSCA ne doivent pas fournir de services lorsque ceux-ci sont jugés inadaptés pour les clients. Il est également important de préciser si les conseils sont indépendants, ainsi que de divulguer tous les coûts et frais associés à la fourniture des services, y compris les rémunérations des tiers. Lorsqu’un conseil est indépendant, le portefeuille de crypto-actifs doit être diversifié et ne doit pas se limiter à des actifs liés au PSCA ou à des parties ayant des liens économiques avec lui. Les PSCA doivent veiller à ce que les personnes fournissant des conseils possèdent les qualifications nécessaires et fournir aux clients des relevés périodiques des activités de gestion de portefeuille.
Fourniture de services de transfert de crypto-actifs pour le compte de clients (article 82)
Enfin, pour les services de transfert de crypto-actifs, les PSCA doivent conclure un contrat avec chaque client, précisant les obligations des deux parties, les modalités du service, les systèmes de sécurité utilisés, ainsi que les frais appliqués. Le contrat doit également définir le droit applicable à l’accord.
Soumission d’une demande d’agrément PSCA
Bien que le règlement MiCA soit entré en vigueur le 30 décembre 2024, il était déjà possible, depuis le 1er juillet 2024, de soumettre une demande d’agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour devenir prestataire de services sur crypto-actifs (PSCA). Cette demande est instruite par les services de l’AMF, mais l’octroi de l’agrément MiCA ne pourra intervenir qu’une fois le règlement officiellement appliqué.
Offre au public de jetons
Le règlement MiCA encadre l’offre publique et l’admission à la négociation de crypto-actifs, en distinguant entre les jetons liés à des actifs ou à de la monnaie électronique, et les autres crypto-actifs. Il instaure un cadre obligatoire pour l’offre au public et l’admission à la négociation sur une plateforme, en remplacement du régime optionnel de la loi PACTE.
Le règlement MiCA impose aux émetteurs de publier un livre blanc détaillant notamment le projet, les droits des détenteurs, la technologie utilisée et les risques associés. Ce document, notifié à l’autorité compétente (en France, l’AMF) au moins 20 jours ouvrables avant sa publication, doit inclure une justification des exclusions potentielles du règlement MiCA, les États membres concernés et la date de l’offre.
Certaines offres sont exemptées, notamment si leur valeur totale ne dépasse pas 1 000 000 euros sur 12 mois, si elles s’adressent à moins de 150 personnes par État membre, ou si elles sont destinées uniquement à des investisseurs qualifiés.
Les modifications du livre blanc ou des communications commerciales doivent être notifiées à l’AMF, 7 jours ouvrables avant leur publication, avec des justificatifs et une date de mise à jour.
Les Abus de marché sur les crypto-actifs
Le règlement MiCA inclut des mesures pour détecter et prévenir les abus de marché sur les marchés des crypto-actifs. Il établit des règles visant à interdire certains comportements, tels que le délit d’initié, la divulgation d’informations confidentielles et la manipulation des marchés.
Ces règles s’appliquent non seulement aux transactions réalisées sur des plateformes de négociation, mais aussi à toutes les transactions de crypto-actifs, qu’elles se déroulent sur ou en dehors de ces plateformes.
Tous les acteurs professionnels impliqués dans des transactions sur crypto-actifs, y compris les PSCA, doivent mettre en place des dispositifs permettant de prévenir et de détecter ces abus. Cela concerne notamment ceux qui gèrent des plateformes de négociation, échangent des crypto-actifs contre des fonds ou d’autres crypto-actifs, exécutent des ordres pour des clients, ou offrent des services de gestion de portefeuille.
En conclusion
Le règlement MiCA marque un tournant décisif pour l’écosystème des crypto-actifs en Europe, en instaurant un cadre juridique harmonisé et ambitieux. Il vise à renforcer la confiance des investisseurs tout en favorisant l’innovation dans un environnement sécurisé. Si son adoption promet un marché plus transparent et structuré, son application pratique soulèvera des défis pour les acteurs du secteur. Une préparation rigoureuse et une adaptation proactive seront essentielles pour tirer parti par ce nouvel écosystème réglementaire.