La Ğ1 : une cryptomonnaie libre qui vous rapporte de l’argent… Sans rien faire !

Temps de lecture : 20 minutes

Une fois n’est pas coutume. Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de cours, ni de stratégie financière, ni même d’investissement. Pourtant, c’est bien d’une cryptomonnaie dont nous allons vous parler.

La Ğ1 (prononcez « june ») est la première cryptomonnaie non spéculative, créée en 2017.

Les ambitions de cette « monnaie libre » sont nombreuses. Cette expérience grandeur nature souhaite prouver qu’il est possible de créer une monnaie devant laquelle nous serions tous égaux. 

Son fonctionnement a de quoi étonner. Et pour cause : la Ğ1 vous fait gagner de l’argent… Sans rien faire ! Faisons le point sur cette cryptomonnaie d’un nouveau genre. 

 

Quelques repères clés avant de commencer 

  • La Ğ1 a été créée en 2017 par un collectif de 59 membres. 
  • C’est ce que l’on appelle une « monnaie libre ». 
  • Cette expression a été inventée par Stéphane Laborde, qui a publié un ouvrage intitulé La Théorie Relative de la Monnaie (TRM) en 2010. Le texte est en licence libre, et peut se lire directement sur Internet ou en PDF.
  • Stéphane Laborde se base sur une démonstration mathématique pour prouver qu’il serait possible de créer une monnaie égalitaire. C’est-à-dire que la création de ce nouveau type de monnaie ne serait pas le fait d’un système privé
  • Cette monnaie serait donc créée par tous. De même, tous ceux qui l’utiliseraient auraient le même montant de cette monnaie sur une vie. 
  • Ces paramètres resteraient vrais quel que soit l’espace ou le moment considéré : la valeur de cette monnaie ne changerait jamais.

 

Reprenons depuis le début  

Avant d’expliquer le fonctionnement de la Ğ1, il peut être intéressant de s’attarder sur nos monnaies actuelles. Comment sont-elles créées ? Par qui ? Pourquoi ne sont-elles pas « libres » ? 

Connaître les caractéristiques d’une monnaie comme l’euro est essentielle pour comprendre le changement de paradigme que les monnaies libres souhaitent mettre en place. 

Dans les deux premières parties, nous vous proposons donc de définir la notion de « monnaie » et d’expliquer rapidement le fonctionnement actuel de notre système économique. Nous verrons pourquoi nos monnaies actuelles (dollars, euros, yuan, etc.) peuvent être considérées comme des « monnaies dette ». 

Ne vous inquiétez pas, aucune notion d’économie ni même de mathématique ne vous sera nécessaire pour comprendre ! Au contraire, notre but est de vous rendre l’économie plus accessible, afin que vous puissiez vous faire votre propre avis sur les monnaies libres comme la Ğ1. Prêts ? C’est parti !

 

Monnaie « fiat », cryptomonnaie, monnaie libre… Et puis quoi encore ? 

Que vous soyez un crypto-enthousiaste ou non, vous avez peut-être déjà entendu parler des « monnaies fiat ». 

Dans cette expression, le mot « fiat » signifie « qu’il soit fait » en latin. On retrouve ce verbe dans la célèbre phrase « fiat lux » (« que la lumière soit »). 

Les monnaies « fiat » sont tout simplement celles dont l’utilisation a été imposée par un État ou toute autre institution. Par exemple, l’euro est la monnaie « fiat » de la zone euro. 

Ce terme est de plus en plus utilisé par la cryptosphère, notamment à des fins de comparaison entre monnaies « fiat » et cryptomonnaies. Il faut dire que l’arrivée du Bitcoin a remis en cause la toute-puissance de l’État et des banques sur la création et le contrôle de la monnaie.

Vous aurez remarqué que le nombre d’adjectifs qui accompagnent le mot « monnaie » ne cesse d’augmenter : monnaies « fiat », cryptomonnaies, monnaies libres… Quelles différences ? Est-ce important ? 

Avant toute chose, revenons-en aux bases.

 

Qu’est-ce qu’une monnaie ? 

Aristote, en bon philosophe grec, est l’un des premiers à avoir décrit la monnaie. Sa définition est toujours utilisée aujourd’hui, à quelques changements près. Selon Aristote, la monnaie possède trois caractéristiques principales :

  • C’est un intermédiaire dans les échanges : la monnaie peut s’échanger contre des biens et des services. Sans elle, le recours à d’autres systèmes (comme celui du troc) est indispensable.
  • C’est une réserve de valeur : en achetant une œuvre d’art ou un bien immobilier, on est persuadé de pouvoir percevoir de l’argent en vendant plus tard. La monnaie permet donc de transférer le pouvoir d’achat dans le temps.
  • C’est une unité de compte : la monnaie permet de se mettre d’accord sur la valeur des choses. 

Nous allons nous intéresser aux caractéristiques d’intermédiaire et d’unité de compte, qui sont des notions importantes lorsque l’on souhaite comprendre le fonctionnement de la monnaie.

 

La monnaie : une unité de mesure ?

Selon la définition d’Aristote, qui est toujours valable aujourd’hui, la monnaie peut donc être comparée à une unité de mesure. Est-ce vraiment le cas ? Est-ce que nos monnaies actuelles remplissent correctement ce rôle aujourd’hui ?

 

Qu’est-ce qu’une unité de mesure ? 

La notion d’unité de mesure est loin d’être anodine. Essentielle à l’avancement de la science, elle est omniprésente dans notre quotidien. Tous les jours ou presque, les unités de mesure nous servent à mesurer le temps qui passe, à calculer une température, une distance, etc. 

Afin de remplir ces fonctions, les unités de mesure doivent être : 

  • Universelles (ou tendre vers l’universalité). Par exemple, le degré Celsius n’a de sens que parce que sa définition est partagée par le plus grand nombre : c’est un référentiel commun. Vous devez certainement avoir une idée ce que représente 30 °C en termes de température.
  • De même, il est crucial qu’un degré Celsius reste le même quel que soit le temps ou l’espace. De cette manière, on peut comparer l’évolution d’une température dans le temps ou entre différents lieux par exemple. 

Les scientifiques ont trouvé la parade pour que les unités de mesure restent les mêmes pour tout le monde, partout et tout le temps (ou presque). 

 

Comment sont créées les unités de mesure ?

 

SI

 

Tout d’abord, les scientifiques ont créé un Système international d’Unités (SI) qui regroupe aujourd’hui sept unités utilisées partout dans le monde (ou presque). Elles sont définies et réévaluées à l’occasion de Conférences générales des poids et mesures (CGPM) régulières. Comme vous le voyez, on ne rigole pas avec les unités de mesure.

C’est là que tout devient intéressant : afin de calculer une unité de mesure (par exemple : combien pèse 1 kg ?), les scientifiques se sont basés sur des constantes de la nature

C’est-à-dire que pour calculer combien font 1 kilo, 1 mètre, ou encore 1 ampère, on se base sur des phénomènes naturels qui ne changent jamais. De cette manière, les unités de mesure restent des référentiels communs qui perdurent dans le temps et quel que soit le lieu.

Si vous souhaitez utiliser le jargon des scientifiques, vous pouvez dire que les unités de mesure sont calculées à partir de la valeur fixe d’une constante fondamentale. Ensuite, des expériences et des formules sont utilisées pour faire le lien entre cette valeur constante et l’unité en question.

Vous voulez briller en soirée ? Alors voici les phénomènes naturels utilisés pour calculer les sept unités de mesure :

  • Le kilogramme (kg) : son calcul se base sur les échanges d’énergie qui interviennent à une échelle microscopique.
  • Le mètre (m) : on trouve 1 mètre en calculant la vitesse parcourue par la lumière en un certain laps de temps.
  • La seconde (s) : le niveau de radiation d’un atome de césium permet de la définir.
  • L’ampère (A) : 1 ampère se calcule grâce à la charge électrique d’un proton (appelée charge élémentaire). 
  • Le Kelvin (K) : là où le degré Celsius permet de calculer la température de tous les jours, le Kelvin permet de mesurer des températures plus froides que 0 °C, notamment à des fins scientifiques. Il est calculé grâce à un thermomètre acoustique, qui mesure la vitesse du son dans un gaz.
  • La mole (mol) : elle permet aux chimistes de calculer à une échelle microscopique. 1 mol correspond au nombre d’atomes contenus dans 12 grammes de carbone 12.
  • La candela (cd) : c’est la plus « humaine » des unités de mesure. Elle permet de calculer une intensité lumineuse, en se basant sur la sensibilité de l’œil humain.

 

Les unités de mesure sont relatives

Nous venons de voir que dans les domaines de la physique ou encore de la chimie, des unités de mesure ont été choisies pour faire des expériences et décrire le monde. 

Il est important de comprendre que ces unités de mesure (kilogramme, ampère, mole, etc.) se basent sur des phénomènes physiques. On peut donc dire que ces unités de mesure sont relatives à ces phénomènes.

Par exemple, on calcule un mètre relativement à la vitesse de la lumière. Auparavant, les scientifiques s’étaient mis d’accord pour calculer un mètre à partir de la circonférence terrestre. Un mètre était alors égal à un dix-millionième de la méridienne passant par Paris et reliant le Pôle Nord à l’Équateur. 

On voit donc que les unités de mesure changent régulièrement, qu’elles s’améliorent et s’affinent en fonction des époques et des chercheurs qui les définissent. En outre, toutes les unités de mesure sont en rapport avec des phénomènes terrestres ou encore humains : elles ne seraient plus valables sur Mars par exemple. 

Oui, et alors ? 

Ce point est important à comprendre, parce qu’il signifie qu’aucune valeur n’est absolue. La science fait des mesures à partir d’unités relatives. De même, la notion de valeur est très relative chez l’humain : certains donnent de l’importance à la vie de famille, d’autres aux voyages, certains privilégient leur carrière, etc. 

 

La valeur économique se calcule relativement à une monnaie

Revenons-en à la monnaie maintenant. Comment est-elle calculée ? A priori, on se sert des mathématiques pour la mesurer. Et comment faisons-nous des calculs ? 

Au départ, les mathématiques n’ont pas été créés à partir de phénomènes naturels de référence. Le chiffre « 1 » ne correspond pas à la radiation d’un atome de Césium comme pour la seconde par exemple. En fait, nous nous sommes mis d’accord sur le choix des éléments qui permettent d’effectuer des calculs. Ainsi, nous partons du principe que « 0 » est le premier des chiffres (ou « entiers naturels »), puis que chaque chiffre est supérieur au précédent : « 1 »  est plus grand que « 2 », qui est plus petit que « 3 », etc. Ces règles ont notamment été décrites par le mathématicien Giuseppe Peano

Le calcul de la monnaie se fait à partir des mathématiques. Mais en soi, les mathématiques sont déconnectées de la réalité. C’est à partir du moment où l’on s’en sert pour calculer un salaire, une taxe ou encore le bilan d’une entreprise qu’ils font référence à un phénomène réel par exemple.

Pourquoi est-ce important à comprendre ? Tout simplement parce qu’aujourd’hui, nous avons tendance à confondre la monnaie et ce qu’elle permet de calculer. C’est-à-dire que l’on confond la valeur d’un objet avec le nombre d’unités de monnaie nécessaire pour l’acheter. Sauf qu’encore une fois, tout est relatif.

Exemple : en France, un poulet fermier d’environ 2 kilos coûte autour de 20 euros. En 2018, il fallait débourser 14 millions de bolivars pour acheter le même poulet au Venezuela…

Donc la valeur d’un poulet fermier peut être égale à 20 euros, mais elle peut tout aussi bien être égale à 14 millions de bolivars. Sa valeur économique est donc relative. Tout comme un objet qui est à 100 °C n’est pas forcément de l’eau qui bout, un poulet n’a pas forcément la même valeur économique selon le temps ou encore l’espace. 

 

prix d'un poulet en bolivars
Un poulet devant l’équivalent de son prix en bolivars vénézuéliens (2018)

 

Comment faire en sorte que la monnaie représente une unité de mesure juste ?

Par rapport à ce que nous venons de voir, s’il on souhaitait créer une vraie unité de mesure économique, il faudrait qu’elle se base sur deux éléments principaux :

  • Une valeur économique de référence : tout comme le mètre est calculé à partir d’une vitesse de référence, il faudrait que la monnaie ait une valeur de référence.
  • Une valeur calculée à partir d’un phénomène naturel qui ne change pas, afin qu’elle reste la même tout le temps et presque partout.

Les défenseurs de la TRM souhaitent mettre en place une monnaie qui se base sur ces deux critères, afin que sa création ne génère pas d’inégalités entre les humains. Nous verrons comment fonctionne la Ğ1, première monnaie libre créée. 

Mais d’abord, essayons de comprendre pourquoi nos monnaies actuelles, qui ne respectent pas ces critères, peuvent être qualifiées de « monnaies dette ». 

 

Qu’est-ce qu’une « monnaie dette » ? 

 

Qui crée la monnaie aujourd’hui ?

À partir de ce que nous venons de voir, il est clair que nos monnaies actuelles ne respectent pas les caractéristiques fondamentales des unités de mesure. Elles ne sont pas valables tout le temps, pour tout le monde et partout. Aujourd’hui, la création de la monnaie est donc forcément inégalitaire.

Si nos monnaies actuelles ne se basent pas sur une valeur économique de référence, ni sur une propriété qui ne varie pas, alors comment sont-elles créées ?

 

L’or : un réferent qui n’est plus utilisé

Jusqu’à la fin des accords de Bretton-Woods (en 1971), la création monétaire était adossée à l’or. C’est-à-dire que, pour créer de la monnaie, un pays devait posséder une certaine quantité d’or en contrepartie. La valeur des monnaies étaient donc liées à l’or, qui servait de référent commun.

Aujourd’hui, la création monétaire n’est plus liée à l’or. Cela signifie que l’argent est créé « ex-nihilo » par le système bancaire privé. 

Les banques génèrent de l’argent à partir de crédits bancaires avec intérêts. Donc la création monétaire est un jeu d’écriture comptable : les banquiers ajoutent des chiffres sur un compte en banque (pour faire un crédit) et l’argent apparaît comme par « magie ». 

 

Prêter sans avoir

Normalement, les banques ne devraient prêter que ce qu’elles possèdent. Elles devraient donc avoir une réserve d’argent, qu’elles prêteraient sous forme de crédits avec intérêts. Ce fonctionnement est appelé « système de réserve à 100% ». 

Mais le système en vigueur aujourd’hui est celui des « réserves fractionnaires ». Concrètement, cela signifie que les banques ont le droit de prêter de l’argent même lorsqu’elles ne le possèdent pas. Remarquez que cela signifie que si tous les crédits étaient remboursés d’un coup, alors le système financier actuel s’effondrerait.

 

Argent = dette

Comme ce sont les banques qui génèrent de l’argent à partir de crédits, et donc d’une dette pour la personne qui a contracté ce crédit, on parle de « monnaies dette ». 

Aujourd’hui, 90% de l’argent est créé sous forme scripturale, c’est-à-dire électronique. Donc 90% de l’argent est créé à partir de dettes. L’argent liquide (fiduciaire) représente seulement 10% du total de la monnaie. Des lois en vigueur permettent d’ailleurs de réguler la masse d’argent liquide, afin qu’il ne prenne pas trop de place dans l’économie.

Cette vidéo du youtubeur Nicolas Meyrieux résume la notion « d’argent-dette » avec beaucoup d’humour : 

 

 

Les désavantages des monnaies dette 

 

Les monnaies dette présentent de nombreux désavantages, qu’il est facile de constater aujourd’hui. En voici quelques-uns : 

 

 

pyramides des richesses

 

 

  • Les crises cycliques : la crise des subprimes qui a eu lieu en 2007 aux États-Unis illustre bien ce phénomène. Comme nous l’avons vu, l’argent est aujourd’hui créé à partir de crédits. En 2007, les banques américaines ont signé énormément de crédits immobiliers, créant une bulle immobilière (le prix des biens a bondi de 171%). Les emprunteurs se sont retrouvé dans l’incapacité de rembourser leurs crédits, ce qui a créé une crise financière mondiale. On voit à quel point le fait de créer de l’argent comme par « magie » peut avoir des effets catastrophiques sur l’économie, en créant de l’inflation (augmentation des prix). De même, si trop peu de crédits sont souscrits, des périodes de déflation apparaissent (périodes d’assèchement monétaire). 
masse monétaire mondiale


La masse monétaire mondiale fluctue sans arrêt

 

  • Inégalités territoriales : avec les monnaies dette, les zones qui sont le plus riches sont celles où la création monétaire est la plus importante. Sans surprise, les grandes villes sont donc les grandes gagnantes de ce système, au détriment de tout le reste du territoire. En France, la région Nouvelle-Aquitaine, qui fait la taille de l’Autriche, concentre toutes ses richesses sur le seul département de la Gironde. À plus grande échelle, des phénomènes mondiaux d’immigrations peuvent être observés. Ils interviennent lorsque les habitants d’un pays sont contraints de le quitter pour une zone où la création monétaire est plus élevée. Avec la monnaie dette, l’argent est donc créé là où l’on croit qu’il y aura de l’activité.
inégalités spatiales
Certaines zones s’enrichissent au détriment du reste du territoire

 

En conclusion, les monnaies dette sont déconnectées de l’activité humaine. La création monétaire actuelle est :

  • Numérique : 90% de l’argent est créé électroniquement (forme scripturale) 
  • Centralisée : seul le système bancaire privé peut générer de l’argent 
  • Elle ne se base pas sur une propriété d’invariance : la valeur des monnaies dette fluctue au fil du temps
  • Asymétrique : seuls les agents bancaires peuvent générer de l’argent. La création de la monnaie n’est donc pas publique. De même, certains individus possèdent plus de richesses que les autres, et certaines zones sont plus riches que d’autres.

 

Qu’est-ce qu’une monnaie libre ? 

 

Les fondements de la monnaie libre

 

Dans sa Théorie Relative de la Monnaie, Stéphane Laborde décrit les conditions dans lesquelles une monnaie pourrait remplir les fonctions d’une vraie unité de mesure. Comme le kelvin ou le kilogramme, sa valeur resterait la même dans le temps et dans l’espace, à partir d’un référentiel commun. La monnaie ne serait donc plus un instrument de pouvoir, mais une unité de mesure neutre.

Cette théorie repose sur un concept fondamental : celui du principe de relativité. Selon Stéphane Laborde, « aucun individu ne doit être privilégié quant au jugement et à la mesure de toute valeur ». 

Autrement dit, aucune valeur n’est absolue : chaque être humain est libre de choisir ce qui a de la valeur pour lui, ou non. Selon le mathématicien, tout comme les Hommes sont censés naître « libres et égaux en droits » (selon la Déclaration des Droits de l’Homme), ils doivent également être égaux face à la mesure de toute valeur. C’est donc une notion relative : personne ne doit décider à la place de quelqu’un d’autre ce qui doit être important pour lui.

En plus de ce principe de relativité, une monnaie est « libre » selon Stéphane Laborde lorsqu’elle respecte trois libertés fondamentales :

 

  • La liberté de choisir son système monétaire : tous les citoyens sont libres et égaux en droit, comme en économie. Ils peuvent donc choisir la monnaie qui leur convient. Donc une monnaie libre ne s’impose pas : on choisit de l’utiliser. Au contraire, les monnaies « fiat » sont aujourd’hui imposées par des États, elles ne respectent donc pas cette liberté. Si vous souhaitez émettre une monnaie autre que l’euro en France, il vaut en coûtera d’ailleurs 5 ans de prison et 75 000€ d’amende. 

 

  • Liberté d’accès aux ressources : les monnaies libres se basent sur une juste répartition des ressources naturelles, telle que définie par l’économiste John Locke : « Lorsque quelqu’un s’approprie un objet, il doit en rester suffisamment et en qualité aussi bonne en commun pour les autres ». Par exemple, si une personne s’approprie la seule source d’eau disponible dans un désert, elle doit s’assurer que tous les autres puissent y avoir accès. 

 

  • Liberté d’échange « dans la monnaie » : chacun peut échanger dans la monnaie libre, l’utiliser pour sa comptabilité, pour vendre des objets, etc.

 

Le fonctionnement de la monnaie libre

Comment rendre tout le monde égal devant la création monétaire, dans un même espace-temps donné ? Comment créer une unité de mesure juste ?

Aujourd’hui, la masse monétaire mondiale augmente ou chute en fonction des crédits bancaires et des intérêts. L’économie connaît des crises cycliques qui suivent ces fluctuations incessantes de la monnaie, créée « ex-nihilo ». Les monnaies dette ne sont pas universelles, perdent ou gagnent en valeur dans le temps et ne sont pas créées selon des principes communs.

L’Homme est à l’origine de l’économie, et elle n’existe que parce qu’il lui donne de la valeur. Selon Stéphane Laborde, l’humain devrait donc servir de référentiel lorsque l’on souhaite créer de la monnaie.  

 

Égalité spatio-temporelle

Selon Stéphane Laborde, la création monétaire devrait donc suivre le flux des générations. Son taux de croissance devrait être lié à l’espérance de vie moyenne de l’humain.

Ce point est crucial pour comprendre l’enjeu des monnaies libres. Aujourd’hui, la création monétaire est inégalitaire, si bien que certaines générations se retrouvent privilégiées par rapport aux autres. Par exemple, selon l’Insee, les « baby-boomers » (personnes nées entre 1945 et 1965) sont entrés dans le monde du travail à un moment de faible chômage et ont pu accéder à la propriété massivement, dès l’âge moyen de 34 ans. Au contraire, les « millenials » (nés entre 1981 et 1996) constituent la génération « la plus pauvre de l’Histoire ». 

Les monnaies dette gardent l’héritage d’un passé révolu : l’économie d’hier influence celle d’aujourd’hui. Par exemple, la période des Trente Glorieuses a bénéficié aux « baby-boomers », là où les générations suivantes ont dû faire face à des années de récession liées aux crises économiques mondiales.

Avec une monnaie qui suit les générations, ces inégalités temporelles et spatiales seraient résorbées. Le fonctionnement des monnaies libres permettrait de partager la même richesse pour chaque personne qui les utilisent. Que proposent-elles ?

 

Le dividende universel

La création monétaire des monnaies dette est assez aléatoire. Elle est dépendante du bon-vouloir du système bancaire privé et des États.

Plutôt que d’être générée et distribuée aléatoirement, la monnaie pourrait être créée un peu tous les jours. Le montant de monnaie quotidien pourrait ensuite être redistribué entre tous les membres adoptant cette unité.

C’est ce que propose Stéphane Laborde. Chaque personne ayant choisi une monnaie libre en recevrait un montant tous les jours, appelé dividende universel (DU). Ce dividende peut être comparé à un revenu universel.

Selon cette théorie, la monnaie serait donc créée « là où est l’humain » et non là on l’on « croit » que l’humain va générer de la valeur économique. Les membres d’une monnaie libre reçoivent donc le même montant d’argent tous les jours, sans rien faire. De cette manière, personne n’est avantagé ou désavantagé face à la création de la monnaie.

Les monnaies libres comme la Ğ1 ne sont donc pas spéculatives. C’est-à-dire qu’elles ne possèdent pas de « cours » fluctuants, sur lesquels on pourrait parier dans l’espoir de gagner de l’argent. La Ğ1 ne peut donc pas se convertir en monnaie « fiat » ou dans une cryptomonnaie spéculative : son fonctionnement est à l’opposé de ces monnaies. Elle est neutre et agit comme une simple unité de mesure pour ceux qui l’utilisent. 

Mais si l’on crée un peu de monnaie tous les jours, cela signifie-t-il que la croissance d’une monnaie libre est exponentielle ? Si c’est le cas, il y aura toujours plus de monnaie, donc elle perdra forcément en valeur ? Les monnaies libres sont donc vouées à connaître l’inflation ?

 

Changer de référentiel

Nous venons de voir que la création monétaire d’une monnaie libre doit avoir lieu tous les jours. Nous allons prendre l’exemple de la Ğ1 pour expliquer ce fonctionnement.

De nouveaux Ğ1 sont créés tous les jours, en fonction du nombre de ses utilisateurs, de leur espérance de vie et de l’évolution de la masse monétaire totale. Chaque utilisateur reçoit tous les jours le même nombre de Ğ1 sous forme de dividende universel (DU).

Selon Stéphane Laborde, la masse monétaire d’une monnaie libre devrait s’accroître de 10% chaque année. Ce pourcentage a été décidé en fonction d’une espérance de vie moyenne de 80 ans.

Avec cet accroissement de 10%, le nombre de Ğ1 versé aux utilisateurs augmentera un peu chaque année. Par exemple, si un dividende universel est égal à 10 Ğ1 la première année, il sera égal à 11 Ğ1 l’année suivante. Du coup, un objet que je pourrais acheter pour environ 10 Ğ1 cette année vaudrait 600 Ğ1 quarante ans plus tard ! 

En calculant de cette manière, on pourrait conclure que la Ğ1 va générer une inflation, c’est-à-dire une augmentation des prix incontrôlable.

Mais avec cette monnaie libre, ce n’est pas en Ğ1 que l’on calcule les prix. C’est le dividende universel (DU) qui permet de les fixer. C’est un peu comme si, au lieu de calculer en euros, on se mettait à calculer en RSA par exemple (même si le RSA dépend des fluctuations de l’euro).

Avec ce calcul en DU, on passe d’un raisonnement quantitatif (c’est-à-dire qu’on calcule un prix en nombre de Ğ1) à un raisonnement relatif (on calcule les prix en nombre de DU). 

Donc, si le nombre de Ğ1 nécessaire pour obtenir 1 DU change avec le temps, comme ceci :

1 DU = 10 Ğ1 la première année

1 DU = 600 Ğ1 quarante ans plus tard

Et bien vous pouvez constater qu’1 DU reste 1 DU, et ce peu importe le nombre d’unités qu’il contient.

Lorsque l’on raisonne relativement au dividende universel, et non quantitativement (en nombre d’unités de Ğ1), on réalise donc que les monnaies libres ne peuvent pas connaître l’inflation.

 

Des disparités entre utilisateurs qui disparaissent avec le temps

Mais que se passe-t-il si certaines personnes dépensent trop, ou ne dépensent pas du tout ? Est-ce que ce système ne permet pas à certaines personnes d’accumuler les DU pour devenir plus riches, pendant que d’autres deviendront pauvres s’ils dépensent trop ?

Dans la Théorie Relative de la Monnaie, Stéphane Laborde prouve par démonstration mathématique que tous les utilisateurs d’une monnaie libre tendent vers une moyenne en termes de richesse.

Comme les utilisateurs perçoivent un DU tous les jours et d’une valeur égale, les inégalités de richesse se résorbent au fil du temps. C’est-à-dire qu’au bout d’un certain nombre d’années, le nombre de Ğ1 produites par les nouveaux entrants se rapproche de celles des sortants. Les écarts de richesse sont donc lissés avec le temps, et les nouveaux utilisateurs ne sont pas avantagés ou désavantagés par rapport aux plus anciens. 

trm

 

 

Comment fonctionne la Ğ1 ? 

 

Un système monétaire ouvert

Dans la Théorie Relative de la Monnaie, Stéphane Laborde évoque rapidement l’apparition du Bitcoin. Il publie son livre un an après sa création.

Bitcoin et toutes les cryptomonnaies reposent sur une technologie appelée blockchain. Selon Stéphane Laborde, cette technologie permet de créer un système monétaire ouvert, ce qui est essentiel à la mise en place d’une monnaie libre.

En effet, avec la blockchain, on peut générer de la monnaie grâce à un code informatique, partagé entre des milliers d’ordinateurs. Comme le code est ouvert, chacun peut se connecter à la blockchain et créer de l’argent, ou encore passer des transactions. 

Contrairement aux monnaies dettes, dont le code est privé et la création centralisée dans les banques, la blockchain propose donc un code public et une création décentralisée de la monnaie. Chacun peut participer à la création monétaire, à condition de posséder un ordinateur et une connexion Internet.

 

Un système non compétitif 

Les utilisateurs d’une blockchain doivent « miner » des blocs, qui contiennent tous des données (transactions, informations, monnaie, etc.). Le minage consiste en la résolution de calculs compliqués, qui permettent de prouver qu’aucune donnée contenue dans un bloc n’a été modifiée. Le bloc peut ensuite rejoindre la blockchain.

Avec les cryptomonnaies spéculatives comme le Bitcoin, le « minage » s’apparente à une course. Tous les mineurs sont en compétition pour miner le prochain bloc, étant donné qu’ils obtiennent une rémunération en échange. Comme le nombre de mineurs est de plus en plus élevé, les calculs à résoudre sont de plus en plus compliqués. Si bien qu’aujourd’hui, pour miner du Bitcoin, il est nécessaire d’avoir un ordinateur surpuissant, sans quoi il est impossible de trouver la solution d’un bloc rapidement. Des « pools » (regroupements) de mineurs se partagent la création des nouveaux blocs, qui est donc très centralisée. La consommation électrique de tous ces ordinateurs est comparable à celle de l’Égypte. Le bilan écologique du minage est donc désastreux.

Si la Ğ1 utilise une blockchain, le minage de ses blocs n’est en revanche pas compétitif. Il n’est donc pas nécessaire de posséder une machine puissante pour miner un nouveau bloc. Afin que le minage ne soit pas centralisé, un ordinateur qui a miné un bloc est « mis en sommeil » pendant un certain temps. De même, les mineurs ne sont pas rémunérés directement, mais par le biais de dons provenant des autres utilisateurs. De cette manière, le minage n’est plus compétitif mais coopératif, et il n’y a plus d’intérêt à faire la course. L’empreinte écologique est donc réduite, étant donné que les ordinateurs qui minent les blocs n’ont pas besoin d’être puissants.

 

Comment obtenir des Ğ1 ? 

 

Rejoindre la toile de confiance

La Ğ1 est une monnaie libre. Cela signifie que ses utilisateurs reçoivent des Ğ1 régulièrement, sous la forme d’un dividende universel (DU). Ce DU est versé tous les jours, à midi.

Avant de commencer à percevoir des Ğ1, il faut être certifié par au moins cinq utilisateurs de la cryptomonnaie. Pour que ces membres puissent vous certifier, ils doivent vous connaître suffisamment, vous avoir rencontré en vrai, et pouvoir vous joindre via plusieurs moyens de communication. Afin de trouver des certificateurs, il est possible de se rendre sur le forum de la monnaie libre, pour trouver un groupe local par exemple. 

Ce système de certification est essentiel à la sécurité de la blockchain Ğ1. Elle permet d’identifier tous les membres, de manière à ne leur verser qu’un DU par jour. Également, la certification permet d’éviter la multiplication de fausses identités, qui pourrait renverser le système de la Ğ1 (ce type d’opération malveillante est appelée « attaque Sybil »).

 

toile de confiance G1

 

 

Télécharger les logiciels  

Pour commencer à utiliser des Ğ1, il est nécessaire de télécharger un logiciel sur son ordinateur. Il en existe deux types, selon ce que l’on souhaite faire sur la blockchain de la Ğ1.

 

Les logiciels « clients » 

Cesium, Sakia, Silkaj sont des logiciels qui permettent de se créer un compte, de consulter son solde, de recevoir des Ğ1, etc. 

Il n’est pas nécessaire d’être certifié pour télécharger l’un de ces logiciels et se créer un compte. On peut même stocker et échanger des Ğ1 sans certification. 

Cependant, pour recevoir un DU quotidiennement, il faut transformer son compte en compte « membre ». Pour cela, il faut demander à devenir membre directement depuis le logiciel. L’utilisateur doit alors obtenir cinq certifications dans un délai de deux mois afin que sa demande soit validée.

 

Duniter

Duniter est le logiciel qui permet d’accéder directement à la blockchain et de participer au minage de ses blocs, à condition de posséder d’abord un compte membre.

Une fois certifié, vous pouvez donc télécharger ce logiciel pour devenir un « nœud » du réseau. Alors que les logiciels clients permettent seulement de voir la blockchain, Duniter vous permet d’en stocker une copie complète. Le stockage de la blockchain sur plusieurs de ses nœuds garantit son fonctionnement, sa sécurité et son développement. 

 

Document de révocation et mot de passe 

Lorsque votre compte membre est créé, le logiciel choisi vous propose de télécharger un document de révocation. Il est essentiel pour supprimer votre compte en cas de vol ou de perte de votre mot de passe.

En effet, étant donné que la blockchain ne dépend pas d’une entité centralisée, aucun mot de passe n’y est stocké. Si bien que l’option « mot de passe perdu » n’existe pas sur la blockchain. Il faut donc clôturer son compte et en refaire un autre en cas de perte de son mot de passe ! 

 

Comment utiliser vos Ğ1 ?

 

Une monnaie, c’est avant tout fait pour vendre et acheter ! 

De plus en plus de biens et de services peuvent s’acheter en Ğ1. Pour savoir où et comment utiliser vos Ğ1, plusieurs moyens sont disponibles : 

  • Le site gchange.fr permet de publier des petites annonces pour vendre ou acheter des biens et services en Ğ1. Son fonctionnement est similaire à celui du Bon Coin.
  • Le site gannonce.fr vous permet de rejoindre des projets de financement participatif en Ğ1. 
  • Des gmarchés sont régulièrement organisés partout en France. Ils fonctionnent comme des marchés classiques, sur lesquels les produits s’achètent et se vendent en Ğ1. 
  • Enfin, il est possible d’échanger des Ğ1 avec un autre utilisateur de cette monnaie. 

 

Conclusion : notre avis sur la Ğ1 

Aujourd’hui, la Ğ1 rassemble presque 3000 utilisateurs partout dans le monde. Elle s’apparente à une expérience grandeur nature, qui permet de tester la viabilité d’une monnaie libre. Cette cryptomonnaie d’un genre nouveau cherche à modifier notre point de vue sur la monnaie, en proposant des solutions pour que sa création ne soit plus inégalitaire. Participer à cette aventure peut s’avérer intéressant et ne vous coûtera rien (au contraire : vous y gagnerez des Ğ1 !). Cependant, il est important de garder en tête que ce projet reste expérimental : la Ğ1 ne règlera pas tous vos problèmes. De même, c’est une cryptomonnaie récente, qui dépend de peu de développeurs et doit encore améliorer sa sécurité. En bref, tant que vous comprenez que la Ğ1 reste une expérience, rien ne vous empêche de tenter l’aventure ! 

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