Avec Taproot, Bitcoin poursuit sa mise à jour et répond aux limites de sa blockchain

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Depuis qu’Ethereum 2.0 a été annoncé, une alt season (dévalorisation du Bitcoin au profit des altcoins) est souvent annoncée. Il est vrai que la blockchain de Bitcoin repose sur une technologie vieillissante, qui se heurte à de nombreuses limites en termes de scalabilité, de sécurité ou encore de confidentialité. Pourtant, loin de stagner, le roi des cryptomonnaies se renouvelle progressivement pour s’adapter à une demande et à une concurrence toujours plus fortes. Avec le soft fork SegWit en 2017, Bitcoin a commencé à introduire une suite d’améliorations, qui permettront de moderniser son fonctionnement et de remédier à ses limites. La mise à jour Taproot annoncée en 2021 plonge les crypto-enthousiastes dans l’impatience.

 

Le Bitcoin : un roi vieillissant mais indétrônable

Le Bitcoin conserve la première place du classement mondial des cryptomonnaies et devrait l’occuper pendant très longtemps encore. Il s’agit du premier actif numérique à avoir été comparé à l’or, bien que son cours soit beaucoup plus fluctuant et qu’il soit encore trop jeune pour être qualifié de « valeur refuge ». Cela n’a pas empêché le Bitcoin de dépasser le cours du lingot d’or le 15 mars dernier, atteignant les 50.000 euros (contre environ 46 000 pour le lingot d’un kilo).

Vous l’aurez compris : le Bitcoin semble aujourd’hui indétrônable. Pendant 10 ans, il a su résister à toutes les attaques rencontrées, tout en prouvant sa valeur. Pourtant, la technologie sur laquelle repose le Bitcoin commence à dater. Si les innovations introduites par la cryptomonnaie sont aujourd’hui les plus éprouvées et les plus répliquées, elles contiennent également de nombreuses limites, qui freinent le Bitcoin.

Ces limites sont loin d’être nouvelles, et elles font régulièrement la Une des informations concernant la cryptosphère. Très récemment, la marque Tesla a par exemple cessé d’accepter les paiements en Bitcoin, sous prétexte que son « minage » était trop polluant. C’est là l’une des limites les plus commentées concernant le roi des cryptomonnaies. En effet, la création des Bitcoins repose toujours sur une « preuve de travail », c’est-à-dire sur la puissance de calcul de milliers d’ordinateurs, lesquels consomment énormément d’électricité. L’Université de Cambridge propose de suivre cette consommation en temps réel. Selon son site, elle serait aujourd’hui comparable à celle d’un pays comme l’Égypte

 

Pourquoi se renouveler ?

L’aspect énergivore du Bitcoin est loin d’être sa seule limite. Si, encore une fois, le roi des cryptomonnaies se base sur une technologie éprouvée, cette technologie est néanmoins comparable à celle du diesel à l’ère du tout électrique. À terme, cela pourrait porter préjudice au Bitcoin, et avantager son concurrent le plus sérieux : Ethereum.

La cryptomonnaie au losange occupe la deuxième place du classement mondial depuis plusieurs années, et devrait encore attirer de nombreux investisseurs dans le futur. Et pour cause : Ethereum répond progressivement aux limites rencontrées par l’ensemble des blockchains, de manière plus dynamique que Bitcoin. 

La deuxième cryptomonnaie mondiale truste déjà les « smart contracts », protocole qui permet de créer l’équivalent de contrats sans intermédiaire (avocat, notaire, banque, etc.) mais aussi de développer des applications directement sur la blockchain. Cette dernière fonctionnalité est essentielle à la généralisation de la technologie blockchain dans des domaines de la vie de tous les jours : banque, sécurité, jeux vidéo, etc.

Une série d’améliorations, annoncées pour juillet 2021, devrait légitimer encore davantage le concurrent le plus sérieux du Bitcoin. Ethereum 2.0 devrait inclure un système de « preuve par l’enjeu », qui permet aux mineurs de créer de nouveaux blocs en fonction de leur richesse (nombre d’ethers) et non en fonction de la puissance de leur matériel. Cette solution, moins énergivore que la « preuve de travail », permettra en outre de multiplier et d’accélérer les transactions. L’altcoin au losange introduira également des modifications qui devraient permettre d’étendre la blockchain, de la rendre plus durable, mais également de pratiquer des frais de transaction plus adaptés

 

De son côté, Bitcoin a implémenté sa dernière mise à jour majeure… En 2017. Sa blockchain devrait cependant subir d’importantes modifications dans les mois à venir, avec le soft fork Taproot. Si le roi des cryptomonnaies emprunte un chemin bien différent de celui d’Ethereum et des autres cryptomonnaies, il souhaite remédier lentement mais sûrement aux limites de sa blockchain. 

 

Résoudre les problèmes de scalabilité 

Pour la cryptosphère, le terme « scalabilité » désigne la capacité d’une blockchain à fonctionner de manière normale, même lorsque le nombre de transactions augmente.

Dans la technologie blockchain, toutes les transactions générées par les utilisateurs (par exemple, pour payer quelque chose en Bitcoin) sont rassemblées dans des blocs. Afin d’être ajouté à la blockchain, un bloc doit être vérifié par des « mineurs ». Ces derniers doivent résoudre un calcul algorithmique complexe, qui permet de vérifier que toutes les transactions ont été réalisées correctement (vérification de l’identité des utilisateurs, de la somme à envoyer, etc.). Lorsque l’ordinateur d’un « mineur » trouve le résultat du calcul en premier, il empoche une récompense (en Bitcoin par exemple), ainsi que des frais de transactions.

Ces frais de transaction ont explosé plusieurs fois ces dernières années, et notamment en 2017 dans le cas de Bitcoin. Cela est dû au fait que la blockchain ne permet de valider que 7 transactions par seconde, et de créer un bloc toutes les 10 minutes seulement. Pendant les périodes de forte affluence, un système d’enchère se met alors en place : afin que leurs transactions soient traitées en priorité, les utilisateurs sont prêts à payer des frais de transaction toujours plus élevés. Dans cette situation, la demande de Bitcoin diminue, et les utilisateurs se tournent vers une cryptomonnaie de substitution (ou quittent la cryptosphère).

Mais le manque de scalabilité n’entraîne pas que des problèmes de frais. Elle est essentielle à la démocratisation du système de la blockchain dans la vie quotidienne. En effet, l’un des objectifs des cryptomonnaies est de se substituer aux banques, et de se passer de tous les intermédiaires du monde de la finance en général. Or, avec ses 7 transactions par secondes, le Bitcoin est encore très loin des 65 000 transactions par seconde traitées par VISA, le leader des paiements numériques. 

 

Les premières solutions choisies par Bitcoin

On l’aura compris, un grand nombre de transactions peut créer un phénomène de congestion sur une blockchain. Les opérations sont alors ralenties, et les frais de transaction s’envolent. Plusieurs solutions ont été testées par les blockchains pour remédier à ce problème.

La possibilité d’augmenter la taille des blocs pour y insérer plus de transactions est une première possibilité. Mais cela pose trop de problèmes, notamment en termes de consommation d’énergie : la création des blocs consommerait encore plus d’électricité qu’avant, ce qui est inconcevable. 

Plusieurs altcoins sont passés à la « preuve d’enjeu », qui permet en théorie de se passer complètement des mineurs. 

La blockchain Bitcoin a, quant à elle, adopté une solution testée par Litecoin : celle du SegWit. Afin de comprendre cette amélioration, il faut se concentrer sur la manière dont les transactions sont agencées au sein de chaque bloc.

 

Des transactions bien rangées

Une fois qu’un bloc contient un nombre suffisant de transactions, le « mineur » va procéder à leur agencement au sein du bloc. Pour se faire : 

  • Chaque transaction va se voir attribuer une suite de chiffres, qui va servir à l’identifier : c’est une empreinte
  • Puis, ces suites de chiffres vont être collées deux par deux
  • Chaque suite de chiffres composée de l’empreinte de deux transactions va à nouveau se voir attribuer une nouvelle suite de chiffres, qui sera à nouveau collée à une autre, etc. 

fonction de hachage

Cela donnera à l’ensemble la forme d’un arbre, appelé arbre de Merkle. La racine de cet arbre contient la dernière empreinte qui reste une fois que toutes les autres ont été combinées.

Ce processus de création d’une suite de chiffres s’appelle le hachage. Pour faire simple, il permet de transformer tout type de texte ou de chiffres en une suite de chiffres (hash).

Qu’est-ce que SegWit a apporté à Bitcoin ?

Des transactions en plusieurs parties 

Lorsque l’on souhaite augmenter la scabilité d’une blockchain, on peut augmenter la tailler des blocs, mais on peut aussi réduire la taille des transactions. De cette manière, plus de transactions peuvent être ajoutées dans un seul bloc, ce qui améliore considérablement le débit

C’est exactement ce que permet le soft fork SegWit. Ce dernier permet de créer deux arbres de Merkle au lieu d’un seul

Pour comprendre comment cela est possible, il faut se concentrer sur le contenu de chaque transaction. Ces dernières contiennent deux types de données

  • Des données sur la transaction elle-même,
  • Des données liées aux différentes signatures nécessaires à la transaction. En effet, afin de s’échanger des Bitcoins par exemple, la personne qui souhaite les vendre et celle qui souhaite les acheter doivent signer la transaction, à l’aide d’une clé privée.

Le soft fork SegWit permet de créer un arbre de Merkle pour chaque type de données. Les données liées aux signatures sont donc séparées de la transaction et placées dans une autre base de données. Les transactions sont donc considérablement allégées, et leur traitement est alors plus rapide.

Une sécurité accrue

Cette amélioration permettait également de résoudre ce que l’on appelle la malléabilité des signatures. Ce terme recouvre un défaut majeur de nombreuses blockchains. Comme nous l’avons vu, les fonctions de hachage permettent de générer une suite de chiffres (hash) à partir de n’importe quel texte. Si la moindre lettre ou le moindre chiffre est modifié, le hash est également modifié. En plaçant les signatures en dehors des données de la transaction, ce problème est en partie réglé.

 

Lightning network

Le Lightning Network : échanger à la vitesse de l’éclair

En 2018, Bitcoin a implémenté une nouvelle amélioration, celle du Lightning Network. Ce nouveau protocole permet de créer des canaux de paiement entre deux personnes, hors de la blockchain principale. 

Dans le cas où deux amis souhaiteraient s’échanger régulièrement des Bitcoins par exemple, ils auraient la possibilité d’ouvrir un canal qui leur permettrait de s’échanger autant de tokens qu’ils le souhaitent, pour la durée de leur choix (un mois, un an, etc.). Seul le canal serait enregistré sur la blockchain, et non l’entièreté de leurs transactions comme c’est le cas aujourd’hui.

Si le protocole est qualifié de « Network » (réseau), c’est que cette solution de canal de paiement va plus loin que le partage de Bitcoin entre deux personnes. D’autres utilisateurs peuvent utiliser un canal déjà créé, lorsqu’ils souhaitent échanger avec l’une des personnes à l’origine du canal. 

Concrètement, les canaux de paiement fonctionnent comme un coffre-fort, qui ne peut s’ouvrir que lorsque tous ses utilisateurs utilisent leurs clés

Ce système permet d’améliorer encore la scalabilité du réseau, en déplaçant un très grand nombre de transactions hors de la blockchain. Ces transactions entre personnes de confiance sont également exemptés de frais de transaction.

 

Qu’est-ce que l’on peut attendre de la mise à jour Taproot annoncée cette année ?

SegWit et le Lightning Network sont deux améliorations majeures, qui vont dans le sens d’une meilleure scalabilité et d’une optimisation des frais de transaction. Dernièrement, Bitcoin a annoncé l’activation d’autres protocoles allant dans le même sens, tout en améliorant la sécurité et la confidentialité de la blockchain. Ils seront rassemblés dans la prochaine mise à jour de Bitcoin, appelée Taproot. Pour comprendre son principe, il est nécessaire d’expliquer deux des améliorations qui seront ajoutées et qui rendront ce procédé possible.

 

Comprendre les signatures Schnorr 

Actuellement, l’algorithme à l’origine des clés privées et publiques qui permettent d’identifier les utilisateurs et leurs transactions se nomme ECDSA (Elliptic curve digital signature algorithm).

Cette méthode de création des clés devrait être remplacée par les signatures Schnorr. Les avantages de ces signatures sont nombreuses :

  • Elles prennent moins de place (64 octets contre environ 70 octets aujourd’hui) 
  • Plus important encore : une signature Schnorr peut agréger plusieurs signatures en une seule. Avec cette nouvelle méthode, il sera donc possible de valider une multitude de transactions signées par une multitude de clés privées en ne vérifiant qu’une seule suite de chiffres

 

Signatures schnorr

 

Les signatures de Schnorr devraient permettre d’alléger l’ensemble de transactions de presque 25%, ce qui permettra d’améliorer encore la scalabilité du réseau. 

Elles contribuent également à préserver la confidentialité des utilisateurs de Bitcoin. En effet, elles permettent d’agréger plusieurs signatures en une seule, de sorte qu’il est impossible de faire la différence entre une transaction simple et une transaction comportant plusieurs signatures.

 

Les MAST : une nouvelle variété d’arbre 

Pour réaliser des transactions sur la blockchain Bitcoin, il est nécessaire de posséder une clé privée, associée à une clé publique correspondant à la transaction. Toute transaction nécessite également la création d’une sorte de contrat virtuel (« smart contract ») qui est rédigé en langage informatique. Ce contrat est aussi appelé script. Il peut être plus ou moins complexe, en fonction des conditions ajoutées au contrat : nombre de signataires, ajout d’une durée pendant laquelle un utilisateur peut récupérer ses Bitcoins, etc. 

Si le système de script de Bitcoin permet de réaliser des contrats très complexes, il a cependant un défaut majeur. En effet, pour valider un script, il est aujourd’hui nécessaire de rendre public l’intégralité de son contenu. Cela signifie :

  • Que toutes les données des transactions doivent être publiées, ce qui prend du temps.
  • Que la confidentialité des signataires du contrat est réduite, puisque toutes les conditions du contrat sont révélées.

Pour remédier à ce problème, Bitcoin souhaite implémenter les MAST (Merkelized Abstract Syntax Trees). Il s’agit tout simplement d’utiliser la méthode des arbres de Merkle (expliquée plus haut) aux scripts. Toutes les conditions d’un contrat seront transformés en chiffres, qui seront assemblés entre eux jusqu’à ne former plus qu’une seule suite de chiffres. Cette dernière empreinte sera la seule à vérifier pour valider le contrat.

 

Taproot : la racine miraculeuse

Taproot est un nouveau procédé de programmation, qui inclut les signatures Schnorr et les MAST. Il permet d’ajouter une condition de « fermeture coopérative » à un contrat.

Dans un premier temps, les différents signataires du contrat pourront agréger leurs signatures Schnorr. Cette combinaison de leurs différentes signatures résultera en la création d’une clé publique « interne » (liée au contrat). La clé publique « externe » (celle qui sera effectivement visible sur le réseau) sera composée en combinant la clé « interne » et la racine de l’arbre de Merkle liée au contrat.

Si les signataires d’un contrat souhaitent procéder à la transaction, il leur suffira alors de modifier leur clé privée en y ajoutant la racine de Merkle du contrat et la clé « interne » de la transaction. Ces nouvelles signatures seront à nouveau agrégées, et correspondront à la clé publique « externe » visible par le réseau.

De cette manière, toutes les données du contrat sont confidentielles : les signataires ont juste à signer la transaction, et ils n’auront pas accès à plus de détails (sauf en cas de litige). De même, quelqu’un qui surveillerait de près les transactions effectuées sur le réseau ne pourra différencier une opération très complexe d’une opération plus simple. Les frais seront donc également réduits pour les utilisateurs effectuant des transactions complexes.

Conclusion

Taproot constituera manifestement la mise à jour la plus importante de Bitcoin depuis 4 ans. Son adoption dépend maintenant des « pools » de mineurs, qui doivent signaler leur soutien à la mise à jour au moment du minage des blocs. Cette méthode appelée « speedy trial » permettra de valider Taproot dans le cas où 90% des blocs minés dans la période font apparaître la mise à jour. Bien que l’adoption de Taproot ait suscité de nombreux débats, le « soft fork »  devrait être adopté au courant de l’année. 

 

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